PRESSE



Sur " Le Fond des Choses: Outils, Œuvres et Procédures"

Il est aussi difficile d’écrire sur un « spectacle » de l’Institut des Recherches Menant à Rien, que de s’imaginer faire une promenade dans un tableau de Malévitch. Ou non, c’est comme si les éléments des tableaux de Kandinsky se mettaient à danser devant vous en parlant français avec un fort accent suédois… Essayons de montrer que non, ce spectacle n’est pas "n’importe quoi", c’est rien. Mais ce n’est pas rien non plus, c’est du rien. C’est quoi (?).

En orbite.
Le noir, bruyant et fascinant. Et puis soudain, la lumière. Le plateau s’offre quasi nu, coulisses et artifices à vue, et finit par ne plus vraiment ressembler à une scène. Au centre : le fond des choses en forme de cube noir dans et par lequel les acteurs/créateurs/techniciens évoluent pour présenter ce qui se passe autour, dans la forme des choses. Entre lignes épurés des formes et géométriques et difformité des moutons-plastiques en mouvement : il y a de tout. Un Big Bang sans le big et le bang : un espace incontrôlable sans effusion ni explosion. L’espace d’une recherche, comme le disent les membres du collectif IRMAR, « le pendant visible du mystère spectaculaire ; sa transparence aventureuse. » Le fond des choses est une aventure qui ne va nulle part, presque silencieuse et épurée. C’est une recherche, qui avance, qui traverse, qui se corrige, qui bégaie. Mais une recherche sur quoi me direz-vous ? Comme le nom du collectif l’indique : sur rien, et donc sur plein de choses. Sur tout. IRMAR tourne autour des choses, pour bien montrer que tout ne tourne pas rond. S’inscrivant dans une incertitude permanente, il n’y a plus le fond et la forme, la surface et la profondeur... Il y a l’entre deux, quelque chose de perdu, d’insaisissable et de secret, qui crée une ouverture de l’intime. Ce collectif pose les choses en elles-mêmes, comme elles viennent, comme elles arrivent, comme elles repartent... Et surtout, à l’image du premier mouvement effectué par un comédien, qui sort de la boîte noire pour poser deux objets en métal et repartir à jardin, pour finalement revenir par la même boîte noire et refaire le même parcours pour reprendre ses deux morceaux de fer : IRMAR vient poser les choses devant nous.

Rire du tout.
Le spectateur est l’inconnu de l’équation que pose IRMAR, sans en être exclu. Bien au contraire. C’est un véritable défi que pose ce collectif : faire partager au spectateur la mise à l’épreuve de tout, et donc du théâtre. Le spectateur n’a plus à chercher le fond, qui est matérialisé et utilisé devant lui, il doit se perdre dans la forme et les formes qui l’entourent. Ainsi, une nouvelle perception prend place en lui : à la surface mouvante des objets mais au cœur même de sa conscience. IRMAR nous projette dans un voyage à la destination inconnue au cœur duquel nous sommes notre propre et unique interprète. C’est un voyage autour du vide, dans toutes ses formes, qui crée chez le spectateur ce rire étrange et nerveux, qui traduit une mise en danger de sa conscience même des choses. Mais ce rire est multiple, et ainsi profondément jubilatoire. A mi-chemin entre celui créé par les pièces de Beckett ou de Ionesco et de l’incongruité d’un Jacques Tati/Monty Pythons, il est à la fois traducteur d’un ridicule assumé par les acteurs qui désacralise et humanise le tout ; réaction de leur imagination débordante qui prend des formes improbables ; et conséquences heureuses d’une caricature incertaine des « tendances » théâtrales et artistiques… Tout cela avec humilité.

Objet Théâtral Non Identifié.
Le Fond des choses est une proposition entre performance, installation et spectacle. C’est une chose en marche : un processus de création déjà créée sur une anti-création. Riche d’images scéniques esquissés, de matières, et de formes expérimentées sur le plateau, le projet d’IRMAR est une véritable proposition, qui retourne le spectaculaire d’un spectacle pour le rendre « rien en mouvement ». Ce qui est loin d’être vide : croyez en le public qui oscille entre rire nerveux et soupirs de découverte ! En déjouant rythmes, paroles, espace, modalités de représentation et mille autres choses encore, IRMAR crée un spectacle que l’on aurait pu tout aussi bien voir en apesanteur, tant la sensation et l’état dans lequel il nous plonge nous sont étrangers. Ils déjouent tout, en revenant au rien, aux choses qui sont bien là, pour observer leur course, leurs mouvements dans une incertitude vertigineuse, sans leur ôter leur caractère magique, surprenant, fascinant : Se laisser porter par l’insaisissable attraction et sourire de ce qui nous échappe. Être spectateur de la création.


Flavie Bitaud
Le souffleur.net
à propos du Fond des Choses au T2G, Avril 2012.
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Il serait fou d’écrire plus de quelques paragraphes sur cet opus des IRMAR – l’Institut des Recherches Menant à Rien. Je vais tenter l’épure. En mai 2010, ce collectif avait présenté Du caractère relatif des choses au TJCC du T2G. Je n’avais pas… Quelque chose était passé mais… bref. Des humeurs. Quand même, j’avais aimé : ces artistes ne venaient pas du théâtre, voire de nulle part, ils étaient ailleurs, même s’ils avaient une pâte très plasticienne, même s’ils sentaient la culture art contemporain. Ça ne suffisait pas pour me révolutionner mais ça m’accrocha.
Pascal Rambert leur a donné une chambre d’échos royale : un plateau et des temps des répétitions, plus les moyens qui vont avec. Ce  ne sont pas des matérialistes. Des moyens ils n’ont pas versé dans la dépense. Ce serait d’ailleurs un contresens pour eux. En vérité, ce sont à la base des gens qui font des performances dans des lieux pas vraiment de théâtre, pour faire vibrer leur rapport au non sens qui glace le monde comme un gros gâteau.
Certains pourraient dire, C’est du vide. A quoi je répondrais que les IRMAR ne mentent pas, c’est leur projet, Institut de Recherches Menant à Rien. C’est dit. Oui mais quand même.  J’ai envie de manger.
Au début, on ne comprend rien. C’est l’Obscur. Un acteur qui est en fait (j’apprends ça après) un compositeur d’origine suédoise incapable d’articuler un mot en français répète son texte qui lui est soufflé par un casque à écouteurs… Son gromelo est imbuvable, j’entends “monde”, “cube”, “l’amour”, “théâtre” entre des borborygmes déstabilisants – de la bouillie pour chat. En fait, je me trompe, le début ce n’est pas lui, c’est le tout noir, et il y a des bruits, ceux des mouvements de la machinerie du plateau, c’est beau c’est tout l’amour de ce lieu-là qui grince et gémit mais qui est privé de lumière. Puis on devine, tout est comme ça par la suite. On a l’impression d’être bouchés ou trop intelligents : on est face au monde en fait. Mais quand même, on voit : c’est bien du théâtre même si à l’acide citrique. On voit des interprètes qui traversent le plateau comme n’importe quelle esplanade. Enorme, plus d’un metteur en scène donnerait sa chemise pour avoir des acteurs aussi simples. D’où tiennent-ils leur indifférence aux centaines de regards avides qui les suivent, d’autant plus avides qu’il n’y a quasiment qu’eux à suivre des yeux ? Ah le détachement… Ce sont des gens qui ont trop lu John Cage (qui est autant auteur que compositeur… ) La sagesse, c’est cash.
Pas de texte. Des mots, des phrases, oui, mais peut-être improvisées, le plus humiliant pour tout ce qui boit le sang du théâtre d’autant plus que ce n’est jamais habité au sens de l’être bouleversé par ce qu’il vit d’impérissable. C’est en tout cas pauvre pour le contenu…
Et puis ce moment où ça hurle. Ces jeunes gens qui ont l’air si détachés, soudain hurlent, hurlent comme des bêtes. Micro, dispositifs pour déformer le hurlement, qu’importe, le hurlement est là. L’un porte comme masque une sorte de tuyau orange à oreilles… Impossible de ne pas imaginer un énorme bon chien ou un cerf mystique, lâchez les chiens de l’imaginaire, c’est bon, n’importe quelle grosse bête à oreilles  marchera… Donc on était dans le rien et on tombe dans l’imaginaire le plus débridé…. Un grand classique, là, la bête derrière l’homme. Sauf que l’un n’hurle qu’avec sa gorge et avec ça, impossible de tricher, de faire semblant.. C’est pour de vrai. Et pour un peu, je le ferais aussi. Oui, il n’y a plus que ça à faire. Et la tête à tuyau orange fait hurler toutes nos puissances imaginaires maltraitées, niées, écrabouillées par le réalisme obsessionnel de notre temps… Même ce commentaire est obscène. Faut juste gueuler pour être juste en fait actuellement.
Que dire contre ou avec ou  à côté de ce monde que nous connaissons, en effet ? Pour qui ne se contente pas d’étouffer.
Travaillant au bord de l’horreur, y compris celle de n’avoir rien à dire, les IRMAR se mesurent à ça. Au rien à en dire, de ce monde, ce bordel.
Ils occupent un plateau – et quel plateau…. – mais pour suggérer que nous y sommes tous, dans ces recherches qui ne mènent à rien… C’est le plus agaçant, même si nous le savons bien au fond de nous, c’est le fond des choses, nous avons perdu.. Nous voudrions croire que. Enfin, elles ne mènent pas à rien : elles mènent au moins à un amour de l’espace, et à un soucis de la présence à autrui. J’écoute. On peut mourir en beauté, sans rien lâcher.
Quel est cet instant entre la non parole qui fermente et la prise  de parole, toujours insurrectionnelle à la naissance et plan-plan dans son déroulé ? Personne ne tient parole.
Ce cube blanc qui au départ joue à l’escargot (enfin il ne ressemble en rien à çà, c’est la voix qui en sort qui se compare au gastéropode), avec ce truc tellement facile de dessiner un cube sur sa surface – c’est la seule fille du groupe qui a là une énorme action là mais il est bien son dessin, il fait bien penser au schmilbick de la représentation qui rend le théâtre vital – et qui se renverse à la fin en une petite chambre intime avec l’individu qui lit, et qui fait n’importe quoi même quand les lumières s’éteignent pour rester dans sa lecture comme je ne sais plus quel Romain célèbre (Pline, je crois) qui continua avec l’éruption du Vésuve de lire….  A l’endroit, c’est clean high tech ; à l’envers, grunge : il y a un appareil enregistreur à bandes magnétiques un peu décalé en 2012, des bricolages nets, des lunettes, des individus hors de toutes sphères.
C’est clair aussi, et là, c’est du théâtre : il y a une fable qui débarque avec des lapins ou des moutons noirs – en fait des merdes empaquetées dans des sachets plastiques noirs qui bougent comme des lapins mécaniques sur le plateau…. L’horreur… Dans la fable, un magicien hypnotise son monde.  Tout est dit. 5 minutes et des petits machins noirs téléguidés ou je ne sais quoi tressautant genre lapin duracell cachés.
C’est comme ça. Que pouvons-nous dire depuis les plateaux face aux monde ? Pleurer ? Hurler ? (dans la rue, nous serions directement internés en HP). Nous battre comme des chiens ? Qu’est-ce qui nous hypnotise ? Le pouvoir ? ou nous hallucine et nous empêche d’accéder à la matérialité des choses et à la réalité du rapport à l’autre ? C’est quoi cet air pourri qui nous rend si méchants au fond, tout au fond ? Le fond des choses, c’était le titre, et à un moment il y a quelques pensées humoristiques sur la gentillesse…. Toujours cette contradiction d’une grande maîtrise technique  avec la semblance d’une liberté sur le plateau. hpp là. Pour toute information supplémentaire sur ces vivants singuliers, consulter ce site relativement pauvre. IRMAR . Pour ce qui est de manger, je crains qu’en vérité la famine soit générale… C’est ce qui nous réunit, et nous fait tellement bouffer, du vide, toujours… En attendant, plus que quelques paragraphes m’ont traversé !

Mari Mai Corbel
à propos du Fond des Choses: Outils, Oeuvres et Procédures au T2G, Avril 2012.

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RADIO
Emission "Changement de décors" à France Culture
IRMAR, ici représenté par deux de ses membres, Victor Lenoble et Baptiste Amann, c’est un groupe de jeunes gens pour la plupart issus de l’ERAC (Ecole Régionale des acteurs de Cannes) et qui, en 2007, ont décidé de développer sur les plateaux de théâtre des projets que d’aucun diront ineptes, d’autres trouveront géniaux. A titre d’exemples, voici quelques intitulés de leurs création : "Du caractère relatif de la présence des choses", "Les choses : quels enjeux pour un bilan les concernant ?", "L’apparition : son émergence ou encore", "Le fond des choses : Outils, œuvres et procédures".

Sur scène, les propositions, on pourrait ajouter quelques formes courtes, se caractérisent en apparence par le RIEN, la vacuité, l’ineptie, la gratuité, l’inutilité autant de registres de perception perturbants qui ont surtout l’intérêt de renvoyer le spectateur vers son propre statut et ses propres attentes.

S’il ne se passe rien sur la scène, ou si rien semble ne s’y passer, alors pourquoi nous, public, est-ce que nous restons là, passif, inerte, consentant ?
Là est sans doute la seule question qu’il faudrait se poser à la sortie d’un spectacle d’IRMAR…  
J. Gayot
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Des hommes, des bêtes et des sacs plastiques 

L’Institut des Recherches Menant A Rien (Irmar) explore le vide, le non-sens, et se livre à une étude du Fond des choses dans son dernier spectacle, toujours pour le compte du festival Dièse.
On pouvait penser que le propos de cette étude était de n’avoir rien à dire, rien à comprendre, rien à raconter. Un comble pour ce qu’on appelle communément une compagnie de théâtre. C’est de ce rien que les créations des “Irmariens” puisent leur force et leur radicalité. Un homme entre en scène, il a sur les oreilles un énorme casque audio. Il ressemble au Méta-baron, personnage de BD de Moebius. Il parle du cube noir installé sur le plateau, une digression métaphysique dont on ne comprend rien. Ils sont cinq sur scène accomplissant des tâches assez mécaniques, souvent en rapport avec un appareil électrique, car l’Irmar apprécie l’électroménager des années 70-80. On passe facilement de rien à rien. Le temps s’écoule lentement quand le comédien explique son action. Puis l’animalité surgit et tous les protagonistes poussent un cri bestial, avec tout le détachement et la désincarnation dont ils font preuve depuis le début. De drôles de colonnes noires arrivent sur scène. Elles sont habitées par les comédiens et épousent leurs formes. À leurs pieds, de petits sacs plastiques noirs semblent, eux, étrangement habités. Les sacs se livrent sur scène à un ballet des plus contemplatifs. Vient ensuite le temps de partir comme nous le demande un cube sur patte. Après une heure passée en compagnie du rien on se dit qu’on a quand même remarqué beaucoup de choses, et même on a ri.

 Lydie Champrenault - BIEN PUBLIC
à propos du Fond des Choses: Outils, Oeuvres et Procédures au Grand Théâtre à Dijon le 5 Juillet 2012
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L'IRMAR (Institut de recherches menant à rien) met en jeu avec un humour certain, dans Le Fond des choses, leur présence et leur absence, en questionnant et en décomposant la réalité et les mots, pour parvenir à l’absurdité brute. 
Sélina Forster
Mouvement, 27/02/12 
à propos d'une première étape du Fond des Choses au Festival ACTIONS à Dijon.
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Sur " Du caractère relatif de la présence des choses"

RADIO

La vignette d'Aude Lavigne 1/2
avec V. Lenoble et O. Veillon.

France Culture, le 5 octobre 11. La suite bientôt.


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Chroniquer pour rien?


Ils font partie de l’I.R.M.A.R (Institut de Recherche Menant à Rien) et présentent ce soir à Marseille leur dernière création: Du caractère relatif de la présence des choses. En deux titres et trois mouvements (bien plus en vérité !), ce collectif « informel » (ce n’est même pas une compagnie !) sème le trouble.

Comment nos sociétés industrialisées hyper contrôlantes finissent-elles par produire le « rien »? A l’issue de la représentation, la poésie en a profité pour faire le vide!
Pour nous accueillir, nous sommes plongés dans un long moment de silence, dans le noir. On entend le souffle (coupé) du voisin comme si le corps « productif» du spectateur, stimulé tout au long de la journée, devait laisser sa place à l’imaginaire. Puis un vacarme issu des coulisses envahit l’espace. Des bruits métalliques et de moteurs font trembler le sol: la société industrielle s’effondre sous le poids de sa rationalité.
A ce moment précis, notre corps disparaît de cette mécanique folle pour rejoindre un ailleurs, à l’image d’une silhouette que l’on voit passer et qui se volatilise derrière les gradins. Magique.

La lumière jaillit puis la scène les accueille. Quatre comédiens surgissent : ils semblent improductifs habités par un rôle qui leur échappe. Le « rien » s’incarne dans ce matériel des trente glorieuses qui envahit l’espace (pneu, magnétophones, chronomètre, tourne-disque, souris filaire, gros casque audio) tandis que le Metteur en Scène échange du « rien » depuis les coulisses avec une administration censée sûrement le financer : la mécanique est partout et l’artiste s’y plie même si cela doit le faire périr. Alors que nous sommes propulsés dans une société de l’immatérialité, où plus que jamais l’homme et le lien devraient être au centre de tout, nous mécanisons à outrance pour produire de l’inefficace. Tout n’est qu’équilibre précaire, mais au moins cela donne l’illusion que tout est à sa place : c’est le triomphe du rationalisme, de la case, du quantitatif appliqué uniformément à tous les champs de la société. L’homme, l’artiste, n’a qu’à se plier à ce chronomètre qui mesure même le beau. La société moderne de l’industrie n’a pas dit son dernier mot: elle a encore de belles années pour nous faire subir sa fumée polluante et ses implacables rouages.

Là où les artistes Rodrigo Garcia et Jan Fabre nous dégueulent dessus pour dénoncer la société de consommation, les metteurs en scène Victor Lenoble et Mathieu Besset convoquent la poésie pour donner au spectateur la ressource d’échapper à ce déluge de modernité. C’est ainsi que différents tableaux stimulent nos cinq sens pour participer au combat de la poésie contre la barbarie du rationalisme. Alors que les mots d’une langue inventée traversent une boîte à musique (celle d’Heiner Goebbels ?), ils se perdent dans une oeuvre faite d’articulations entre le fer, des balles de mitraillette et le symbolique sac « plastique ». Le poète, le musicien, le plasticien sont ainsi traversés par les mots. Parce que le fragile prend le pas sur le solide, l’instant est inoubliable. Tandis que la mer émerge d’un tourne-disque, on apporte un ventilateur et un petit chauffage électrique. L’atmosphère du film « Les plages d’Agnès » d’Agnès Varda s’immisce alors dans monimaginaire de spectateur respecté.

La poésie finit par gagner du terrain, à l’image de ce chariot métallique, transformé en table de mixage délirante qui métamorphose le propos creux en discours du rien. Les artistes (tous exceptionnels par leur présence) n’ont plus qu’à quitter la scène pour laisser quatre magnétophones usés et fatigués nous offrir une symphonie rhétorique qui tourne à vide. Et l’on reconnaît le discours bien huilé de nos politiques et journalistesqui, faute d’utopies, continuent le matraquage d’une pensée unique gravée dans le marbre de la société industrielle de papa.
Avec les artistes emmenés par Victor Lenoble et Mathieu Besset , avec Pippo Delbono et ses fous, avec Steven Cohen et son « pédé papillon », le spectateur, habité de poésie, contemple ce « rien » et se fait une promesse : préférer les traversées hasardeuses aux chemins tout tracés qui ne mènent à rien.


Pascal Bély – www.festivalier.net
LE TADORNE, 19 octobre 2009.
à propos du Caractère Relatif de la Présence des Choses.
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« As a form of entrance, we are deep in silence and pitch dark. One can hear the neighbours’ short breath as though the audience’s productive bodies, stimulated throughout the day, were to leave room for imagination.

Then a din from backstage invades the stage. Metallic and engine-like noises shake the floor : the industrial
society is collapsing under the burden of its own rationality. At that very moment, our body vanishes from this
crazy machinery to reach some other land, just like this human shape that passes us and fades behind the rows of seats. Magical.

Light pours in and the stage welcomes the actors . There are four of them : they seem unproductive, possessed by a role which eludes them. The ‘nothingness’ takes life as the style gets filled with old-fashioned appliances (such as tires, tape recorders, stopwatchs, record players, wired mice, a huge headphones, and so on).
Meanwhile a kind of director exchanges from the backstage some ‘nothingness’ with an administrative service probably supposed to fund him : the machinery is all around and the artist yields to it even though that will kill him. While we are being cast into a society of virtuality, where men and bonds should more than ever be at the core of all things, we over-mechanize to produce inefficiency. Everything in the show is a precarious balance, but at least it gives the illusion that everything is in place : it’s the triumph of rationalism, of boxes, of the‘quantitativeness’ uniformity applied to all the fields of society. Man and the artist have to give in to this symbolic stopwatch which even measures beauty. The modern society has not said its last words : long years lie ahead for us to undergo its contaminating smokes and its inescapable cogwheels.

When artists such as Rodrigo Garcia and Jan Fabre puke over us in order to denounce the consumer society,directors Victor Lenoble and Mathieu Besset invoke poetry to provide the audience with an escape from thisoverwhelming modernity. Thus, various pictures stimulate our five senses into taking part in this poetic fightagainst barbarian rationalism. As the words of an invented language come through an invented megaphone, theyare getting lost in a picture made of joins between iron, machine-gun bullets, and a symbolic plastic bag. Thus,the words go through the poet, the musician, and the sculpture designer. Because fragility overcomes solidity, the moment is unforgettable. While the sea comes out of a record player, and that one brings in a blade fan and a small heating system, the atmosphere of Agnes Varda’s “Les plages d’Agnes” creeps into my imagination.

Poetry eventually gains ground, like this metallic cart turned into a mad mixing-table which transforms a hollow discourse into void speech. The actors (all exceptional in their presence) just have to leave the stage to worn-out tape players delivering a rhetorical symphony which runs into chaos.”
With the IRMAR, with Pipo Delbono and his madmen, with Steve Cohen and his “pédé papillon”, the spectator, possessed with poetry, beholds this ‘nothingness’ and makes a promess to himself : that he will prefer risky crossings to paved-ways that lead nowhere. »

Pascal Bély
about Du Caractère Relatif de la Présence des Choses.
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Vers un théâtre décomplexé

En contrepoint à l'exubérance anarchique du Zerep, les jeunes membres d'Irmar – Institut des Recherches
Menant à Rien !, issus de l'Ecole régionale d'acteurs de Cannes et du projet d'improvisation sonore Neutr,
plongent le plateau dans l'obscurité. Seuls les rouages d'un ballet invisible, grincements mécaniques et bruits
de pas, habitent la scène. Invasive, allant jusqu'à coloniser les coulisses et la salle de spectacle, nourrie
d'incessants va-et-vient, cette dramaturgie sonore expire sous le coup du retour brutal de la lumière. Sa
genèse achevée, le règne des objets peut enfin s'épanouir.

Car chez Irmar, l'inanimé est maître de cérémonie. Les choses, dont la présence relative est ici
questionnée, structurent le récit et l'espace, s'organisent en une géométrie élémentaire rappelant les lignes
de l'art minimal. L'association entre un pneu et une table prend la dimension d'une sculpture ou d'une
installation ; le son, dans sa logique expérimentale, se charge d'une plasticité nouvelle ; la cohabitation entre
une radio, un radiateur, un ventilateur et une serviette de plage métamorphose la scène en un paysage
maritime. Là, au coeur de ce dispositif singulier, un sac en plastique flottant dans l'air comme un cerf-volant
nous évoque les objets dansants de Christian Rizzo...

A croire que le rien, le vide, exploré inlassablement par le groupe Irmar, conduit bien à « quelque chose »,
à une réflexion sur l'illusion du spectacle ou plus certainement encore, à une poésie des plus envoutantes.

Cécile Piettre, Paris-Art.
20 mai 2010
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« ....’Things, their relative presence being so examinated, are the IRMAR’s masters of ceremony. They build the tell and the space, and organize into an elementary geometry which reminds Minimalist Art. This is enough to believe that the IRMAR’s tireless exploration of the void and emptiness leads to “something”, to a reflection on the illusion of the show or, all the more so, to a most enthralling form of poetry. »

Cécile Piettre
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......Une question que posent à leur façon les membres de l’IRMAR (Institut de recherche menant à rien) avec ‘Du caractère relatif de la présence des choses’. Leur performance minimaliste, potache et poétique, interroge la notion de représentation sur un plateau de théâtre. Du Deschiens postmoderne, réjouissant dans la première partie et moins inspiré dans la seconde.

Etienne Sorrin, evene.fr
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Une sorte d’état d’alerte
L’obscurité totale, à laquelle on peine à s’habituer au début du spectacle, renforce le caractère inquiétant des sons provenant des coulisses. Le public, à l’écoute de bruits aléatoires et angoissants, se trouve dans une étrange posture. Une sorte d’état d’alerte dans lequel la démarche du collectif plonge le spectateur tout du long. Loufoque et distanciée, leur attitude crée l’étonnement, le rire et parfois l’interrogation, mais ne peut en aucun cas laisser indifférent.

Les comédiens silencieux se déplacent avec précision sur un plateau nu, qu’ils agrémentent d’objets pour la plupart anciens : une table de cuisine en Formica, une valise, un chronomètre, une radiocassette ou une platine vinyle. Le texte, lui, vient des coulisses. « L’acteur caché », tel qu’il se définit (interprété par Solal Bouloudnine), s’exprime dans un micro d’une voix calme et posée. Il présente la démarche de l’IRMAR en alternant le français et un anglais approximatif, pour les anglophones qui seraient présents dans la salle, ce qui provoque l’hilarité du public. Il confie également que la première idée de titre était : Du caractère relatif de la présence des choses ou Jean-François Copé. Mais, n’ayant finalement pas trouvé de lien entre les deux, ils ont préféré supprimer la deuxième partie du titre.

Cependant, ils ont conservé dans le spectacle une anecdote liée à ce qu’ils ont découvert de Jean-François Copé, disent-ils : la pratique du piano. Le comédien Olivier Veillon entre alors en scène avec un synthétiseur, pour une confrontation truculente et cocasse. « Olivier à été choisi pour jouer ce personnage, car sa présence assume divinement bien le vide. » C’est ainsi que la voix off définit l’impassibilité de l’acteur. Une apathie qui ne l’empêche pas de s’engager dans une lutte sonore improbable avec l’homme au chronomètre (Baptiste Amann). Un face-à-face invraisemblable où c’est à celui qui aura le dernier mot, ou plus précisément, la dernière note.

Savoureux et atypique, le collectif IRMAR, très inspiré par les dadaïstes et le musicien John Cage, se place indéniablement au cœur de l’émergence. Il expose avec beaucoup d’humour, de finesse et de fraîcheur, le caractère relatif de la présence des choses, dont les derniers mots de la pièce – « je suis juste là » – pourraient constituer une sorte d’explication, voire de définition.

Laure Quenin
Les Trois Coups
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Bienvenu à bord du vaisseau Irmar, moi c’est « Du caractère relatif de  la Présence des choses », et vous ?
Moi c’est le narrateur, les choses je vais vous en parler.

Admettons :

Une table, une radio dissimulée = une table parlante, une radio-table = un objet
OU
Une roue de voiture traverse à l’horizontal le plateau, et le son d’une radio suspendue qui grésille de plus en plus fort = un point de contact. La tension sonore créé instantanément une ligne perceptive, invisible, par laquelle la roue, la radio entrent en tension sans se résoudre l’une à l’autre, sans s’impliquer. Un état d’indéfinition suspend leur fonction usuelle. Le son les relie l’une à l’autre, crée une surface sensible de l’une à l’autre chose, surface par laquelle elles sont rendues présentes. Espace physique d’irrésolution entre chose et objet = présence ?

Un narrateur –encore- vous décrira ce que la scène ne fait pas. Ce que je ne fais pas moi, c’est une critique, car l’état actuel de mes fonctions biologiques ne me le permet pas. Alors je m’interroge sur la validité du discours. Jusqu’où iront les termes que j’emploie, peuvent-ils, si je modifie leurs relations amener un sens qui altère l’objet de mon discours ?

Une comédienne fait le tour de la salle, passe derrière les gradins, je ne sais pas si vous entendez. D’une oreille l’autre, des talons de mocassins qui résonnent dans le noir de la salle. Ca rythme sec, pulsation ?

De la présence alors, parlons en. Un comédien est assis à la table, de profil, et une sonnette d’appartement vient justement d’entamer la chanson : Il faut voir le disque en relief blanc plastique,  au bout d’un fil, glisser hors de la coulisse en fond de scène, d’un seul coup. Entendre le comédien battre le rythme dix secondes durant ; le narrateur qui n’est pas moi, faire un développement assez bref sur les circonstances de l’achat de sonnettes, leur formes en règle générale, et leur design en particulier. Cela ne va pas sans rire, et nous rions franchement, décidément. Pour une fois que l’on peut rire des choses communes en commun !

Des choses communes et d’un tableau sonore sur lequel on se quittera ou presque. A gauche un comédien monte avec des tubes de fers ce qui s’apparenterait à un trépied. Un tube de fer est posé dessus, à l’oblique, un sachet plastique bleu y est enfilé. Un ventilateur quelques mètres derrières. Plus à gauche un chauffage électrique. Une comédienne arrive et se pose au milieu de ces trois objets, plus une radio suspendue. On passe la mer sur les ondes. Tableau sonore. Je vous laisse ici.

OU PRESQUE. Vous avez vu je joue la voix. Je joue à avoir une voix, je joue à analyser en décrivant, à décrire en analysant. Du caractère relatif du discours ou du Caractère relatif de la présence relative des choses nous y sommes presque. Le spectacle tente de « retenir la tension naturelle qui gronde entre les choses et les évènements, d’en extraire le potentiel de neutralité sonore et physique ». Et je vous y prends à me demander où je veux en venir. Du caractère relatif des choses, je répondrai et on me rétorquera que je m’en sors bien. Comme redoublement, on ne fera pas mieux.

Enfin ! Un problème : La suspension comme principe de neutralité ? La présence ne prend pas place dans une économie dramatique. Apposés les uns aux autres les objets sont mis en présence par ce qui fait lien entre eux : leur enchaînement qui modifie la disposition d’ensemble du plateau ou le son. Et on pourrait dire que cette continuité poétique fait présence.

Mode d’emploi :

1 : Déjouer l’apparition de l’objet du quotidien en éclatant les modalités de son fonctionnement = La roue est lancée, la radio grésille plus fort. Une zone de contact est créée. La radio théâtralise, la roue, elle la signifie sur un autre mode de perception que celui qu’on rencontre habituellement.

2 : Poser un narrateur qui tout en commentant le spectacle, l’expose à d’autres enjeux ; déjoue par son propre discours un type d’analyse.

Alors le caractère relatif devient un parler de soi, mais d’un soi qui ne s’expose jamais en scène, qui se retire sitôt qu’il devient trop visible. Le neutre passe pour l’espace objectif de présence matérielle des choses. L’objet en scène, décontextualisé, déconceptualisé serait donc neutre. Mais il reste un « être là » de la chose, qui une fois en scène compte, même diffractée. Donc tout objet compte, a son compte sur scène, l’espace d’un instant.

Inversons les choses : Le risque d’une présence c’est donc d’être matérialisée par quelque chose d’autre. Il y a pourtant bien un risque, pour une chose, d’être affirmé par ce qui n’est pas elle. Risque de cette tension invisible qui structure l’espace de présence. RISQUE DE CET INVISIBLE QUI NOUS STRUCTURE.  Question : Parle t-on alors « Du caractère relatif de leur présence ou encore il y a t-il un Caractère relatif de la présence des choses ?

HORS CHAMP  1: Pourquoi quand je passe devant un magasin de chaussures, la fermeture éclair sur le côté de la bottine, rend présent à mon esprit une époque vintage sans nom, une posture du corps sur laquelle je peux rêver, une à l’aise pérenne ?

Quel est ce lien qui structure cette sensation, qui la porte ?

HORS CHAMP 2 : Pourquoi quand une femme voilée s’assoie dans le métro, dans un parc, des regards apeurés posent la menace terroriste aux alentours de son visage comme inévitable.


Quelle perception, quel imaginaire pour quel sens des choses ?

Le Souffleur

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Le festival Étrange Cargo dynamise chaque année la Ménagerie de Verre en proposant une approche transdisciplinaire du spectacle. Créations ou reprises, les propositions artistiques ont en commun un goût prononcé pour l’hybridité et l’influence d’autres arts. L’IRMAR (Institut de recherche Menant à Rien) offre un objet déroutant intitulé à juste titre« Du caractère relatif à la présence des Choses ».
L’IRMAR a été fondé en 2007 par des membres issus pour la majorité de l’ERAC, et rassemblés autour d’une volonté de recherches. De tout et de rien. Du Caractère Relatif De La Présence Des Choses fait objet de manifeste. Il ne se passera pas grand chose, ou tout, mais surtout un discours métathéâtral et une mise en abîme aussi poétique qu’humoristique.
Ils sont quatre comédiens, présents objets qui font vivre cette installation vivante. Il y a l’homme à la table, ou le conférencier. Monsieur Marchand, l’homme au chronomètre, qui apporte les objets. La jeune fille, toupie italienne. Un Monsieur Loyal, absent physiquement, ou presque, dont la présence est signifiée par la voix, et qui orchestre l’ensemble.
La salle de la Ménagerie de verre, hangar abandonné et vide, se plonge dans un noir total pour laisser place à des bruits divers et plus ou moins familiers : chaînes, choses qui tombent et se brisent, bruits métalliques, aboiements, puis une cacophonie très forte, un cri strident et inquiétant. Et le silence. Plein phare. Alors qu’on avait envie de se boucher les oreilles, on veut fermer les yeux.
On entend d’abord la radio, puis un homme vient déposer une table et repart, alors qu’un pneu traverse le plateau. Au fur et à mesure s’installent et se désinstallent les objets qui feront vivre la scène : des tourne-disques, du mobilier, des boîtes noires, un ventilateur, et surtout des radios ou radio-cassettes, sous la table, suspendus, dans le sac d’une comédienne. Le son est partout, chansons populaires ou paroles perdues.
L’idée, nous dit le comédien caché en coulisses, était de travailler sur Rien. Puis les travaux se sont portés sur quelque chose. Parler de l’absence et de la présence, de leur lien. Du vide aussi. En travaillant avec des objets de la vie quotidienne.
Lorsque Jérome (le régisseur lumière ?) part, les codes changent et les rôles s’inversent. La machine enrayée ne fonctionne plus. Que dire quand on n’a rien à dire ? A la fin, les radio-cassettes, autonomes, dialoguent entre eux, reléguant définitivement la présence des comédiens en coulisses.
Il y a de l’absurde, l’attente de Godot et son aspect mécanique et répétitif ; des histoires avortées et l’écriture fragmentaire et elliptique du Nouveau Roman ; des références esthétiques et les sons expérimentaux de John Cage ; des images de bord de mer et une poésie de l’instant ; des tableaux qui se font et s’en vont. Et un pneu.
Outre nos références bourguignonnes communes, c’est le degré zéro du spectacle qui m’a plu.

Caroline Simonin
Inferno
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Sur "L'apparition: son Émergence"

Le festival choisi une fois par an de faire découvrir aux spectateurs des lieux publics, bien souvent des jardins, avec le regard neuf et éphémère de l’artiste.

Cette année le collectif Irmar a pris possession de la cour Chabeuf et de la sculpture représentant un lampadaire urbain de Mark Handforth, Lamppost. L’Apparition : son Emergence, titre du spectacle est un objet artistique sonore et visuel, troublant et drôle.
Au début du spectacle, on voit, dans les bureaux qui nous font face, des gens échanger, travailler et parler au téléphone. Une jeune femme s’installe à la table et sort un petit synthétiseur qui crachote des petits sons. Un deuxième et un troisième qui enregistre sur cassette leurs tentatives sonores pour l’envoyer dans les airs, la rejoignent. Ils sont là à attendre un collègue parti dans le futur à la recherche du rien. Ce dernier fini par arriver la tête coiffée d’un énorme tube plastique. S’ensuit, alors dans la cour, une joyeuse digression, gentiment décalée, sur le rien dans le futur : la place de notre collectif d’artiste et l’avenir de la création contemporaine.
Comme pour son spectacle précédent, Du caractère relatif de la présence des choses, l’Irmar utilise des objets du réel, avec une attirance pour le chronomètre et le magnétophone, et offre une image brute d’où surgit une poésie fraîche et drôle.
Malgré tout L’Apparition : son Emergence, perd un peu de sa force dans le cabotinage et le bavardage. Une sorte d’impromptu potache qui mènerait presque à une chute.

Lydie Champrenault, le Bien Public, le 06/09/11
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Sur "Les Choses: Quels enjeux pour un bilan les concernant"

Prenant à contre-pied la société du spectacle et son besoin de grandeur démonstrative, le style burlesque minimaliste de l’I.R.M.A.R. se révèle d’une poésie infiniment efficace. L’écriture scénique collective des quatre acteurs suit autant les principes du théâtre que ceux de la musique, avec pour pulsion originelle le Discours sur rien de John Cage, partition dans laquelle il se propose de parler de rien. Aussi ludique qu’intelligent, ce spectaculaire du rien finit alors, comme le travail de son illustre inspirateur, par nous parler de tout.

Taking the opposite direction of show business which needs to be impressive, the minimalist burlesque style of I.R.M.A.R. has proven itself to be extremely poetic. The four actors collective scenic writing applies to the stage as much as to the music principles, with John Cage’s Lecture on nothing as a starting point, a music score about nothing. After several show, I.R.M.A.R. explains, in a conference, some of their inventions and their know-how about special effects: alarm clocks, children synthesizers, magical soundtricks, paper sheets and self ironical speech. 

LES URBAINES-LAUSANNE 
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Irmar - L'éloquence du rien

L'Oeil - n° 651 - Novembre 2012

Le collectif de théâtre se produira fin novembre à la Ménagerie de verre pour jouer « Le Bilan » un spectacle-performance pensé comme une conférence.
Invité en novembre à la Ménagerie de verre pour le festival parisien Les Inaccoutumés, le collectif de théâtre IRMAR présente Le Bilan, une conférence qui tourne à vide sans pour autant tourner en rond. Après cinq ans de travail, une mise au point s’imposait. Mais ce qui se voulait un bilan « sur les choses » ne sera qu’une réflexion sur « les enjeux mêmes de faire un bilan ». Dérobade sémantique… Le Bilan est une version ultracondensée de la pièce-manifeste Du caractère relatif de la présence des choses dont il extrait l’essence : quatre acteurs, une table couverte d’un drap noir en guise de coulisse ou de chapeau de magicien, une rangée de magnétophones capricieux, des jeux de regard type commedia dell’arte ascétique et des objets sans utilité précise, cercle en métal et feuilles blanches. On vous aura prévenu : IRMAR n’a rien à dire. Ne s’embarrasse pas du sens. S’en méfie au contraire, autant que du texte – celui avec un grand T, qui domine encore le théâtre. Chez eux, le « Less is more » de Mies van der Rohe confine à l’obsession. La scène est un laboratoire de recherche, une surface de projection. En quête d’une « tension neutre », ils feignent le dilettantisme pour aller au fond des choses. Cerner leur origine. Buster Keaton conceptuels, socratiques burlesques, ils pratiquent une philosophie concrète, de sons et d’objets, de présences, qui vaut bien tous les théâtres érudits.

« Depuis nos débuts, on travaille sur rien et puis aussi sur quelque chose », s’explique avec un sérieux à peine amusé Victor Lenoble, l’un des six membres pseudo-permanents d’IRMAR. Tous, ou presque, ont moins de 30 ans, sortent de l’Érac – une école d’acteurs cannoise –, étaient ou sont encore comédiens et entretiennent un lien plus ou moins étroit avec la musique situationniste et la Bourgogne, terre natale ou d’adoption. À l’origine de leur « vocation » artistique, un texte bien connu des historiens d’art : Le Discours sur rien de John Cage. Une partition de mots et de silences où la parole est matériau sonore. Une prose sur le rien qui parle finalement de tout, iconoclaste et jouissive, à l’image même du collectif.

Piettre Céline

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Les Inaccoutumés, festival hors-norme qui brasse les propositions les plus audacieuses de la scène contemporaine, s’offre pour cette nouvelle édition le « Bilan » de l’IRMAR, occasion de revenir sur les conventions du spectacle vivant à la lisière des musiques bruitistes et de l’installation plastique, dans une écriture scénique subtile, minimaliste, et pleine d’humour.

IRMAR, l’Institut des Recherches Menant A Rien, l’intitulé du collectif représente déjà en soi tout un programme. Aux origines de ce projet artistique, qui a vu le jour en 2007, il y a un intérêt marqué pour la musique concrète et industrielle et pour les écrits des situationnistes et de John Cage. Sa pièce Discours on Nothing (1959) fonctionne comme manifeste du groupe qui y puise, outre la pulsion pour le Rien (présent dans sa dénomination), le gout pour une plongée radicale dans la plasticité du langage, ses rythmes et pauses, affranchie de la nécessité d’un sens univoque.
Après de multiples déclinaisons dans une série de Discours sur Rien, les membres d’IRMAR ont pris les choses à bras le corps, se sont focalisés sur les failles du réel, les conventions et habitus qui le construisent, pour toucher du bout des doigts à la factualité du monde. Ainsi Du caractère relatif de la présence des choses, remarqué au T2G dans le cadre du Festival tjcc 2012, ou encore pour aller plus loin dans cette démarche, Le Fond des Choses : Outils, Oeuvres et Procédures, des pièces fragiles et sensibles, procèdent à chaque fois d’une méthode apparentée à la réduction phénoménologique chère à Merleau-Ponty.
Les Choses : quels Enjeux pour un Bilan les concernant ?, créée en 2010 au Festival Imaginez Maintenant à Marseille, se donne comme une mise au point, un retour sur des années de recherches et garde intacte son actualité et sa pertinence. Sa forme de conférence, au premier abord posée, autour d’une table, dans un dispositif frontal, est minée dès le départ. Des regards de biais, en connivence, dans le miroir qui couvre un des murs de la petite salle sous la verrière de la Ménagerie, introduisent un écart faisant signe vers les conventions du cinéma muet. Des trafics sous la table transforment cet unique élément de décor en véritable chapeau de magicien, qui ménage, outre les apparitions/disparitions incongrues et étonnantes par la sincérité des « trucs » low-fi employés, une radicale et permanente mise en question des lois de causalité entre les phénomènes et micro-événements qui s’y produisent.
Tels des laborantins rigoureux et fantasques à la fois, les quatre membres de l’IRMAR se livrent à des expériences qui dégagent de nouveaux enjeux dans les relations toujours mouvantes entre objets, sons, performeurs et public, enclenchées par la circulation des regards et de la musique concrète. Des associations arbitraires font déraper les protocoles d’un exposé universitaire et la logique bien rodée d’un colloque de team building si spécifique au monde de l’entreprise, ouvrent la brèche d’une pensée magique à l’aune de la technologie électronique. Tout devient possible : la boite noire mécanisée et apparemment autonome qui lançait tout à l’heure d’abondants messages sur des feuilles de papier vierges, vient au final éclater l’installation métallique et poétique évoquant l’art et l’océan (dixit le texte de présentation de la pièce) alors qu’on nous raconte l’histoire du pommier sauvage ! Un humour pince sans rire et une fantaisie bien débridée nous ramènent au plus près des choses de la création artistique, c’est le seul Bilan à retenir d’IRMAR et des Inaccoutumés dans son ensemble.


06 décembre 2012 Par Smaranda Olcese
http://www.franceculture.com/emission-la-vignette-la-vignette-victor-lenoble-et-olivier-veillon-metteurs-en-scene-2011-10-05.html 

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